L’économie mauricienne a connu ces dernières années une évolution considérable dans le domaine de l’offshore. Successivement basée sur l’agriculture, le textile et le tourisme, l’économie mauricienne s’est dorénavant orientée singulièrement vers les secteurs financier et immobilier. Ce changement s’est accompagné par une profonde modification de la législation mauricienne en vue de s’adapter à cette nouvelle orientation en rendant la fiscalité mauricienne très attractive mais également pour se conformer aux standards fiscaux internationaux.

A cet effet, il convient de souligner que Maurice a signé dès le 5 juillet 2017, la convention multilatérale pour la mise en œuvre des mesures relatives aux conventions fiscales afin de prévenir l’érosion de la base fiscale et le transfert de bénéfices(1). De plus, des changements législatifs ont été apportés en 2018 en vue de respecter les engagements internationaux. A ce titre, Maurice figure depuis longtemps sur la liste blanche de l’OCDE (Organisation de coopération et de développement économiques) et par conséquent, n’est pas considérée comme un paradis fiscal.

Ainsi, tout en se conformant aux exigences internationales, Maurice offre aux investisseurs étrangers un cadre juridique fiable, une fiscalité très avantageuse et un environnement socio-politique stable. C’est pour ces raisons que Maurice a attiré un nombre considérable d’investisseurs européens qui investissent tant en France qu’en Afrique.

Outre les avantageux fiscaux, les investisseurs étrangers optent également pour Maurice en raison de son cadre de vie paradisiaque, notamment ses plages de sable fin, son climat doux, son faible coût de vie, sa double culture anglaise et française, son infrastructure moderne et sa connectivité haut débit.

Au demeurant, pour les investissements en Afrique, Maurice offre surtout une meilleure sécurité tant politique que juridique pour les affaires. De plus, il est fréquent que les investisseurs utilisent aussi les règles de conflit comme outil de sécurité juridique (2) en donnant compétence à la loi mauricienne pour régir leurs relations d’affaires.

Maurice est ainsi devenue le pays incontournable pour les entreprises qui développent leurs activités tant vers l’Afrique que l’Europe. D’ailleurs, il est intéressant de noter que plus de la moitié des investisseurs étrangers sont des ressortissants français. Cela s’explique également du fait des liens étroits qu’entretient la France avec Maurice en raison de l’histoire de cette dernière. Pour encadrer et promouvoir cette relation d’affaires, deux conventions bilatérales ont été signées entre la France et Maurice.

D’une part, la Convention franco-mauricienne sur la protection des investissements du 22 mars 1973 et d’autre part, la Convention franco-mauricienne de non double imposition du 11 décembre 1980, modifiée le 23 juin 2011, sont entrées respectivement en vigueur le premier mars 1974 et le 17 septembre 1982. Comme leurs noms l’indiquent, la première a pour objet la protection des investissements entre Maurice et la France et la deuxième est destinée à éliminer la double imposition des revenus entre Maurice et la France. Ces Conventions permettent de sécuriser les investissements entre les deux pays.

Pour bénéficier des avantages de ces Conventions, il est important de s’assurer que toutes les conditions de leur application soient réunies notamment dans le cadre d’une société (3) offshore, celle-ci doit démontrer de la substance à Maurice.

Nous verrons que l’application cumulative de la Convention fiscale franco-mauricienne avec les règles fiscales nationales mauriciennes permet une optimisation fiscale tout en respectant les standards internationaux.

Avant de présenter les avantages de cette application cumulative notamment à travers l’imposition des dividendes et des plus-values entre l’île Maurice et la France (II), il convient de faire un rappel général de la fiscalité mauricienne (I).

I. Rappel de la fiscalité mauricienne

L’année fiscale mauricienne commence, tant pour les personnes physiques que les personnes morales, le premier juillet et se termine le 30 juin de l’année suivante.

De manière générale, le taux d’imposition applicable est de 15%. Toutefois, ce taux unique subit des variations dans plusieurs cas.

A. Les personnes physiques

Les particuliers sont imposables sur leurs revenus nets, obtenus en déduisant un certain nombre de charges notamment les allowable deductions, les exemptions et les reliefs de leurs revenus bruts. Ces derniers sont essentiellement composés de traitements, salaires, rentes, pensions, revenus fonciers, dividendes de source étrangère, royalties et intérêts.

Les revenus nets sont imposables de la manière suivante :
– 10% applicable aux revenus annuels nets jusqu’à Rs 650 000 (soit 16 250 euros environ) ;
– 15% applicable aux revenus annuels nets excédents Rs 650 000.

Certains contribuables peuvent bénéficier des exemptions dont le seuil varie en fonction de leur situation. A titre d’exemple, un particulier sans personne à charge bénéficie d’une exemption à hauteur de Rs 305 000, alors qu’un contribuable avec deux personnes à charge sera exempté d’impôt si ses revenus annuels sont inférieurs à Rs 480 000.

De plus, certains revenus sont exonérés d’imposition tels que les dividendes de source mauricienne et les plus-values.

B. Les personnes morales

Les personnes morales sont imposables au même taux que les personnes physiques, à 15%.

Toutefois, ce taux est réduit voire supprimé dans plusieurs cas.

1. Les sociétés commerciales domestiques

Les sociétés commerciales domestiques dont l’objet est l’exportation de produits sont en principe imposables non pas au taux unique de 15 % mais à 3%. Toutefois, seuls les bénéfices tirés de l’exportation des produits sont imposables à 3%. Les bénéfices tirés d’autres activités sont imposables quant à eux à 15%.

Par ailleurs, certains revenus sont exonérés d’impôt indépendamment de l’objet de la société commerciale domestique. Ainsi, sont notamment exonérés d’impôt, les dividendes de source mauricienne et les plus-values réalisées.

Il convient toutefois de souligner l’existence d’une imposition supplémentaire, à savoir le CSR. C’est un système de solidarité incombant aux entreprises domestiques et dont le taux s’élève à 2% des bénéfices.

2. Les sociétés offshores

On peut distinguer deux types de sociétés offshores.

D’une part, il y a les Authorised Companies qui sont totalement exonérées d’imposition à Maurice étant donné qu’elles ne sont pas fiscalement résidentes à Maurice. C’est pour cette raison que leur lieu de gestion effective (Place of Effective Management) est situé hors de Maurice. En conséquence, elles ne peuvent pas bénéficier de l’application des conventions fiscales signées par Maurice. Elles sont venues combler le vide laissé par la suppression des GBC 2 depuis le 31 décembre 2018.

D’autre part, on retrouve la fameuse Global Business Licence Company (GBC ou GBLC) qui sont des sociétés dont l’activité est principalement exercée à l’étranger. Elle est imposable normalement au taux de 15% mais certains revenus de source étrangère tels que les dividendes et les intérêts, sont exonérés à 80%, ce qui réduit l’impôt sur ces revenus à 3%. Toutefois, la GBC aura le choix entre l’exonération de 80% des revenus de source étrangère ou le bénéfice d’un crédit d’impôt incluant tant les retenues à la source que le underlying foreign tax credit.

II. L’imposition des dividendes et des plus-values entre l’île Maurice et la France pour une meilleure optimisation fiscale

La création d’une société commerciale à Maurice présente de nombreux avantages tant fiscaux qu’économiques. En effet, nous verrons qu’un investisseur a tout intérêt à implanter son entreprise à l’île Maurice indépendamment du lieu où il souhaite exploiter son activité. Cependant, il est nécessaire que le montage juridique projeté soit également dicté par des considérations qui ne soient pas exclusivement fiscales.

Dans le cadre de cette démonstration, nous allons prendre l’exemple des dividendes et des plus-values réalisées entre des résidents français et mauricien.

A. La fiscalité des dividendes entre des résidents français et mauricien

Lorsqu’un actionnaire français perçoit des dividendes d’une société française, il est, en cas d’option, redevable d’une imposition de 30% (appelée la flat tax ou prélèvement forfaitaire unique instauré depuis le premier janvier 2018) sur le montant brut des dividendes perçus si l’actionnaire est une personne physique. Dans le cas d’une personne morale soumise à l’IS, les dividendes viendront accroître son chiffre d’affaires et par conséquent, seront imposables à un taux se situant entre 15 et 31%.

Toutefois, si au lieu de détenir directement les actions de la société française, le résident français détenait les actions d’une société mauricienne qui à son tour détiendrait les actions de la société française, ou si le résident français devient résident mauricien, l’imposition sera établie comme suit :

1. L’imposition des dividendes reçus par une société mauricienne ou un résident mauricien d’une société française

Il résulte de la Convention fiscale franco-mauricienne que les dividendes payés par une société qui est résidente d’un État à un résident de l’autre État sont imposables dans cet autre État.

La Convention stipule également à son article 10 que ces dividendes « sont aussi imposables dans l’Etat dont la société qui paie les dividendes est un résident, et selon la législation de cet Etat, mais si la personne qui reçoit les dividendes en est le bénéficiaire effectif, l’impôt ainsi établi ne peut excéder :
a) 5 p. cent du montant brut des dividendes si le bénéficiaire effectif est une société (autre qu’une société de personnes) qui détient directement au moins 10 p. cent du capital de la société qui paie les dividendes ;
b) 15 p. cent du montant brut des dividendes, dans tous les autres cas.».

Les dividendes versés par une société française à une société mauricienne seront soumis soit à une imposition de 15% de leur montant brut soit de 5% en fonction de la détention de l’actionnariat de la société française par la société mauricienne.

Si la société mauricienne détient moins de 10% des actions de la société française, la retenue à la source en France sera de 15 % du montant brut des dividendes. Dans le cas contraire, la retenue sera de 5%.

Par ailleurs, les dividendes reçus par la société mauricienne seront, en principe, également imposables à Maurice conformément à la Convention fiscale même si aucune imposition ne sera due en raison du mécanisme du crédit d’impôt.

Il est important de rappeler que la société mauricienne aura une option entre soit l’application des dispositions de la convention franco-mauricienne, à savoir le bénéfice du crédit d’impôt correspondant au montant de l’impôt payé en France, soit l’exonération des revenus de source étrangère, c’est-à-dire 80% des dividendes seront exonérés d’impôt, ce qui correspond à une imposition effective de 3% du montant des dividendes.

Ainsi, en cas d’option du crédit d’impôt et s’agissant des dividendes de source étrangère reçus par la société mauricienne, ils seront en principe imposables au taux normal de 15%.

De ce fait, la société mauricienne bénéficiera d’un crédit d’impôt prévu par la convention à son article 24 et en application de cette disposition, les dividendes de source française perçus par la société mauricienne ne seront pas imposés à Maurice si la retenue à la source est de 15%.

De plus, si la société mauricienne détient au moins 5% d’actions dans la société française, elle aura droit à un crédit d’impôt plus conséquent, incluant tant la retenue à la source de 5% ou 15% que le underlying foreign tax credit c’est-à-dire l’impôt sur les sociétés ayant frappé les bénéfices desquels sont payés les dividendes en question.

Dans la plupart des cas, seule la retenue à la source en France de 15% ou 5% sur les dividendes subsiste et dans la pratique, aucune imposition n’aura lieu à Maurice.

En tout état de cause, l’imposition à Maurice ne dépassera pas 3% du fait du bénéfice de l’exonération de 80% des dividendes.

De la même manière, lorsque le bénéficiaire est un particulier, le crédit d’impôt de 15% viendra neutraliser l’impôt sur le revenu qui est aussi de 15%.

Comme nous pouvons le constater, l’imposition est réduite par moitié lorsque l’actionnaire est résident fiscal mauricien au lieu de français.

Dans le cas où la société mauricienne est détenue par des actionnaires français, ces derniers auront ensuite le choix de distribuer ou non ces dividendes. A noter qu’il est fortement conseillé que la société mauricienne ait également une autre activité que celle de holding.

2. L’imposition des dividendes reçus par l’actionnaire français de la société mauricienne

Lorsque la société mauricienne distribue les dividendes à l’actionnaire français, l’imposition sera la suivante :

Lors de la réception des dividendes par l’actionnaire français, un crédit d’impôt de 25% du montant des dividendes lui sera octroyé (art. 24.2c de la Convention).

Toutefois, la question de l’imputation de ce crédit d’impôt sur l’imposition française des personnes physiques n’est pas définitivement tranchée dans le cadre des relations franco-mauriciennes. En cas d’option du PFU (prélèvement forfaitaire unique instauré depuis le 01 janvier 2018) de 30%, l’imposition est répartie comme suit : 12,8 % au titre de l’impôt sur le revenu et 17,2% au titre des prélèvements sociaux.

Ainsi, le crédit d’impôt de 25% semble s’imputer uniquement sur l’impôt sur le revenu et non sur les prélèvements sociaux. Toutefois, aucune affirmation n’est envisageable en l’absence de réponse officielle de l’administration ou de l’intervention du juge administratif.

En tout état de cause, l’imposition sera moins élevée lorsque l’activité est exercée via une entreprise résidant fiscalement à Maurice et ce, indépendamment que le crédit d’impôt s’impute uniquement sur l’impôt sur le revenu ou également sur les prélèvements sociaux.

Dans notre exemple, il est clair qu’un actionnaire français aura tout intérêt à investir à l’île Maurice pour une meilleure optimisation fiscale.

B. La fiscalité des plus-values

En cas de cession d’actions entre deux résidents français, la plus-value sera imposable, en cas d’option du prélèvement forfaitaire unique, à 30%.

A l’inverse, la plus-value réalisée par un résident mauricien n’est pas imposable. Ainsi, il est possible de combiner cette exonération avec les règles de la Convention fiscale franco-mauricienne pour une meilleure optimisation.

Pour cela, le titulaire des actions, qui peut être une société (société A) ou un particulier (Monsieur B), de la société française (société C) doit être résident mauricien.

En effet, l’article 13.4 de la Convention fiscale franco-mauricienne dispose que « les gains provenant de l’aliénation de tous biens autres que ceux visés aux paragraphes 1, 2 et 3 ne sont imposables que dans l’État dont le cédant est un résident. »

La lecture combinée de cet article avec celle des paragraphes 1, 2 et 3 du même article indique que les gains provenant de la cession de valeurs mobilières seraient imposables dans l’État de résidence du cédant.

Ainsi, la plus-value serait imposable à Maurice lorsque le titulaire (Société A ou Monsieur B) des actions est résident mauricien.

Cependant, le protocole prévoit une dérogation à ce principe.

L’article premier 6a du protocole annexé à la Convention franco-mauricienne prévoit que « …, les gains provenant de l’aliénation d’actions, de parts ou de participations dans une société ou une personne morale possédant des biens immobiliers situés dans un État, qui, selon la législation de cet État, sont soumis au même régime fiscal que les gains tirés de l’aliénation de biens immobiliers, sont imposables dans cet État. »

Le paragraphe suivant du même article ajoute que « … les gains provenant de l’aliénation d’actions ou de parts faisant partie d’une participation substantielle dans le capital d’une société qui est un résident d’un État sont imposables dans cet État, selon la législation de cet État. On considère qu’il existe une participation substantielle lorsque le cédant, seul ou avec des personnes associées ou apparentées, dispose directement ou indirectement d’actions ou de parts dont l’ensemble ouvre droit à 25 p. cent ou plus des bénéfices de la société. »

Par conséquent, certaines plus-values seraient susceptibles d’être imposables tant à Maurice qu’en France.

Pour cela, il convient de distinguer selon que la société (société A ou Monsieur B) possède ou non des biens immobiliers.

– Dans le cas où la société française C posséderait des biens immobiliers

Les plus-values réalisées lors des cessions d’actions seront imposables non seulement en France selon le régime fiscal des gains tirés de l’aliénation des biens immobiliers mais également à Maurice.

De ce fait, les plus-values réalisées par des non-résidents seront soumises au taux du prélèvement correspondant aux taux de l’impôt sur les sociétés applicables à la date de cession aux personnes morales résidentes de France, lorsque le cédant est une personne morale.

Par conséquent, les plus-values réalisées seront soumises en France à un prélèvement correspondant au taux d’imposition sur les sociétés du droit commun, à savoir de 15% (taux réduit) à 31% en fonction des bénéfices.

A Maurice, les plus-values tant immobilières que mobilières ne sont pas imposables.

– Dans le cas où la société française C ne posséderait pas de biens immobiliers

Une distinction doit être faite selon que la société commerciale mauricienne détienne ou non une participation substantielle, notamment de 25% ou plus de la société française C.

Si la société A ou Monsieur B détient moins de 25% de la société française C, il n’y aura aucune imposition en France en vertu de la Convention fiscale franco-mauricienne.

Ainsi, les plus-values réalisées seront imposables uniquement dans l’État de résidence du cédant, c’est-à-dire à Maurice.

Or, les plus-values sont exemptées d’imposition à Maurice.

Par conséquent, pour que les plus-values soient exonérées de l’impôt, il est nécessaire que l’actionnaire (société A ou Monsieur B) détienne moins de 25% des actions de la société française (société C). De plus, cette dernière (société C) ne doit pas posséder de bien immobilier.

(1) http://www.oecd.org/fr/pays/maurice/l-ile-maurice-signe-la-convention-multilaterale-pour-la-mise-en-oeuvre-des-mesures-beps.htm.
(2) Kevin LADOUCEUR, l’insécurité juridique dans la détermination de la loi applicable aux contrats internationaux dans les systèmes juridiques français, américain et chinois, Thèse, Université Paris Descartes, 2018, p. 35 et s.
(3) Il convient de noter que le droit mauricien fait une différence entre le terme société et celui de company. En effet, leur régime juridique est très distinct étant donné que les sociétés mauriciennes sont régies par le code civil et le code de commerce alors que les companies le sont par le Compagnies Act de 2001. Toutefois, dans le cadre de notre étude et ce, pour une parfaite compréhension du lecteur français, on utilisera indépendamment le terme société ou company pour désigner une company telle qu’elle est connue en droit mauricien.