Les enjeux juridiques du choix de l’île Maurice comme destination de retraite

Avec sa stabilité politique et sociale, son doux climat, sa fiscalité raisonnable et sa sécurité juridique, l’île Maurice a, depuis ces dernières années, réussi à séduire de nombreux retraités européens, principalement des Français. La langue française omniprésente à Maurice et la rapidité des formalités administratives et bancaires (possibles en langue française) ont sans aucun doute contribué à simplifier l’expatriation. Le cabinet Mercer a, en mars 2019 et ce pour la troisième année consécutive, classé Port-Louis (la capitale de Maurice), à la première place du tableau des villes d’Afrique où il est agréable de s’expatrier, devant des villes de l’Afrique du Sud, des Seychelles ou encore de la Tunisie ou du Maroc. Pour aboutir à un tel résultat, le cabinet s’est appuyé sur plusieurs éléments tels que la situation médicale, la qualité de l’enseignement, l’environnement socioculturel, les transports, les services publics et évidemment, l’offre de logement et sa qualité et bien évidemment, la sécurité juridique.

Après un gros plan sur les conditions d’éligibilité et les procédures à respecter (I), quelques conséquences avantageuses, fiscales notamment, qui en découlent seront abordées (II).

I. Les conditions d’éligibilité et la procédure
Il importe ici de voir dans un premier temps les conditions de base (A) avant de survoler la procédure (B).

A. Les conditions d’éligibilité
Les lois mauriciennes régissant l’immigration ( «The Immigration Act 1970 ») et l’investissement (« The Investment Promotion Act ») ont fait l’objet de profondes modifications au cours de ces quinze dernières années afin de faciliter davantage l’investissement étranger dans l’île ainsi que les conditions d’obtention de permis de résidences. Divers nouveaux types de permis de résidence ont ainsi successivement vu le jour (ex. permis associé à l’acquisition d’un bien immobilier, permis « retraité », etc). Seul le permis « retraité » sera ici abordé.
La première condition pour prétendre à ce permis est relative à l’âge. Pour pouvoir prétendre à un permis de séjour longue-durée à Maurice sous le statut de retraité (« retired citizen residence permit »), il faut être âgé d’au moins 50 ans à la date de la demande.
Ensuite, le demandeur doit justifier de ressources mensuelles d’au moins 2 500 USD (à peu près 2 200 €) ou annuelles de 30 000 USD (à peu près 26 430 €).
En tout état de cause, il doit procéder à un virement initial de 2 500 USD sur son compte bancaire mauricien.
Ces sommes doivent être versées sur un compte bancaire local ouvert au nom du candidat.
L’Economic Development Board (EDB) s’assure du transfert de ce(s) montant(s) notamment lors du renouvellement du permis.
Outre les conditions de ressources, le demandeur doit également, au moment de sa première demande, fournir un extrait de son casier judiciaire, sur les 10 dernières années, des pays dont il a la nationalité. Il doit également remettre des documents d’usage à l’administration et s’acquitter des frais administratifs.

B. La procédure
Il est important que le dossier soit bien préparé pour prévenir tout refus. Un premier dossier comprenant une partie des éléments ci-dessus énumérés est remis au EDB et c’est le Occupation Permit Unit (OPU – le département des permis de résidence) du EDB qui procèdera à une première instruction. Si l’OPU estime que le dossier est complet et les conditions réunies, il le transmettra au Joint Committee (comité collégiale) constitué d’un représentant du Bureau du Premier Ministre (« Prime Minister’s Office » ou PMO), d’un représentant de l’EDB et d’un représentant du bureau de l’immigration (« Passport and immigration office » ou PIO).
Si le Joint Committee estime que le demandeur remplit toutes les conditions requises, il validera la demande et le PMO donnera son feu vert par le biais d’un « Approval in principal » (accord de principe). Cet accord, d’une durée de validité limitée, sera transmis au demandeur ainsi qu’au bureau de l’immigration.
Le demandeur aura un délai de 30 jours pour compléter sa demande, remettre les autres documents au EDB et payer les frais administratifs.
Un rendez-vous sera enfin fixé entre le demandeur et le EDB pour que l’administration mauricienne vérifie la conformité des documents.
Il est ici précisé que l’époux, le partenaire ou le concubin du demandeur peut également obtenir le permis de résidence à Maurice. Il en est de même pour les enfants du demandeur s’ils ont moins de 24 ans.
Il est ici utile de noter que le conjoint du demandeur doit être du sexe opposé. En effet, l’île Maurice ne reconnaît que les couples de sexes opposés et n’accorde aucune protection ou reconnaissance aux couples de même sexe malgré l’existence de lois anti-discriminations. (En novembre 2018, lors de la session onusienne de la « Universal Periodic Review » la communauté internationale a cependant invité le gouvernement mauricien à protéger les minorités sexuelles).
Lorsque le dossier est complet, le demandeur peut rapidement obtenir son permis de résidence « retraité ». Les membres de sa famille auront également le droit de résider à Maurice sans pour autant avoir le droit de travailler, à moins de changer de statut et de demander un « occupation permit » (permis de séjour longue-durée) pour cause de raisons professionnelles (salarié, indépendant ou investisseur).
Enfin, le permis est valide pour une durée de 3 ans, mais si le retraité ne remplit plus les conditions d’éligibilité pour prétendre au statut de résident mauricien à un certain moment, le PMO peut lui retirer son permis de résidence. Après 3 ans, le retraité peut prétendre à un permis de résidence de 10 ans si les conditions d’octroi de ce permis sont réunies. Il peut tout aussi bien demander à bénéficier d’un nouveau permis de 3 ans renouvelable.
Un nouveau concept voit actuellement le jour à Maurice principalement dédié aux seniors. Il s’agit des nouvelles Résidences-Services-Seniors avec plusieurs facilités : service de conciergerie, espaces de convivialité, infirmerie, accès à la plage, activités d’animation, etc. Ce programme est spécifiquement adapté aux seniors car il préserve leur indépendance tout en garantissant une ambiance conviviale. Sous réserve de remplir certaines conditions, le senior étranger peut y être éligible et obtenir un permis long-séjour à Maurice.
Le permis de résidence obtenu, l’intéressé peut devenir résident fiscal mauricien sous certaines conditions et ainsi bénéficier de conditions avantageuses. Seul le cas du ressortissant français sera ici analysé.

II. Les principaux avantages (notamment fiscaux) qui en découlent pour le retraité
Avant de s’attarder sur les principaux avantages qui découlent de la résidence à Maurice (A), il est utile de se pencher sur les conditions d’obtention du statut de « résident fiscal mauricien » (B).
A. Les conditions d’obtention du statut de « résident fiscal mauricien »
L’obtention du permis de résidence à Maurice n’octroie pas automatiquement le statut de résident fiscal mauricien. Par ailleurs, concernant le résident fiscal mauricien, la présence d’un traité fiscal peut facilement aider à éviter la double imposition en présence d’éléments d’extranéité.
Maurice a signé des conventions de non-double imposition avec plus d’une quarantaine d’Etats (1) (dont notamment la France) et d’autres conventions sont en cours de ratification (2) tandis que plusieurs autres sont actuellement en cours de négociation ou de renégociation (3).
Selon la section 73 du Income Tax Act 1995, pour être considéré comme résident fiscal à Maurice et être imposable à Maurice (à titre indicatif, le taux d’imposition est plafonné à 15%), le détenteur du droit de résidence doit avoir son domicile à Maurice et y résider pendant au moins 183 jours par an et ne doit pas avoir de centre d’intérêt permanent à l’étranger.
Il peut également être considéré comme résident fiscal mauricien s’il a, au cours de l’année fiscale et des deux années précédentes, résidé à Maurice pour une durée totalisant au moins 270 jours sur ces 3 années.
Pour l’administration fiscale française, le fait de disposer d’un permis de résidence à l’étranger ne suffit pas pour ne plus être considéré comme résident fiscal français. Pour être considéré comme résident fiscal étranger auprès de l’administration fiscale française, aucune des conditions fixées par l’article 4B du Code général des impôts (CGI) ne doit être remplie. Il faut notamment :
– Ne plus avoir en France son foyer ou son lieu de séjour principal ;
– Ne plus exercer en France une activité professionnelle (salariée ou non) à titre principale, à moins de justifier que cette activité y est exercée à titre accessoire ;
– Ne plus avoir en France le centre de ses intérêts économiques.

Plusieurs conflits en matière de détermination de la résidence fiscale sont facilement solutionnés par la convention fiscale de non-double imposition.
Diverses formalités déclaratives doivent être remplies auprès de l’administration fiscale française en cas de départ fiscal de France. Certaines formalités doivent se faire avant le départ et d’autres les années suivantes. Ainsi, il convient de déclarer le changement de domicile, l’ensemble des revenus perçus entre le 01 janvier et la date de changement du domicile fiscal ainsi que l’étendue du patrimoine (notamment pour déterminer une éventuelle application de l’Exit Tax dans sa nouvelle version de 2019).
Les valises posées à Maurice, le permis de résidence obtenu et le domicile fiscal mauricien établi, un certificat de « résident fiscal mauricien » sera délivré par la Mauritius Revenue Authority (MRA), l’administration fiscale mauricienne.

B. Les principaux avantages liés à la résidence à Maurice
En principe, l’impôt sur le revenu à Maurice est fixé soit à 10% soit à 15% pour toute personne percevant un revenu annuel supérieur à 650 000 roupies mauriciennes (environ 16 700 €). Ce régime souffre cependant de plusieurs exceptions avantageuses :
– Pas d’impôt sur les dividendes de source locale (un retraité actionnaire au sein d’une compagnie (société) mauricienne ne paiera aucun impôt sur les dividendes distribués).
– Octroi d’un crédit d’impôt sur les dividendes de source étrangère qui, en principe, sont taxés à 15% à Maurice. De manière générale, ce crédit d’impôt est égal au montant de l’impôt ayant frappé les dividendes à la source et également, en fonction de l’actionnariat, la proportion d’IS ayant frappé ces sommes avant leur distribution en qualité de dividendes, c’est-à-dire, l’impôt sur les bénéfices de la société (le « underlying foreign tax credit » prévu par le Income Tax (Foreign Tax Credit) Regulations 1996). Ce qui a pour effet de neutraliser l’impôt mauricien par rapport aux dividendes de source étrangère.
– Un impôt plafonné à 3% sur certains types de revenus.
Enfin, il existe une « solidarity levy » (contribution sociale) à Maurice dont le taux est de 5% mais qui ne concerne que certains revenus spécifiques. Il est applicable sur la partie des revenus imposables et des dividendes reçus d’une société locale supérieure à 3,5 millions de roupies (à peu près 89 700 €). Diverses charges peuvent cependant réduire l’assiette de cette contribution sociale.
Par ailleurs, un ressortissant étranger peut également acquérir des biens immobiliers et ce, même s’il est de nationalité étrangère selon des modalités très spécifiques (Invest Hotel Scheme, R+2, etc…) et les mettre en location. Les revenus locatifs perçus seront uniquement imposables à Maurice au taux de 15% et ce, même si dans le futur, le propriétaire retourne en France. Les loyers perçus n’entrent pas dans l’assiette imposable française en vertu de l’article 6 de la convention fiscale franco-mauricienne.
L’immobilier demeure une valeur refuge à Maurice et le marché est en plein essor. Une progression de 9,5% était annoncée pour l’année 2018 contre 7,5% en 2017 (4). Plusieurs facteurs ont contribué à cela, dont notamment la modification de plusieurs anciennes lois pour les remplacer par des lois modernes d’inspiration française ou anglaise.
Par exemple, l’assurance relative à la garantie de parfait achèvement (1 an), l’assurance relative à la garantie biennale de bon fonctionnement (2 ans) et l’assurance relative à la garantie décennale sont, depuis quelques années seulement, obligatoires pour les promoteurs de villas de luxe de type « PDS » (« Property Development Scheme »). La garantie financière d’achèvement est également obligatoire. Le droit de la copropriété à Maurice qui était largement inspiré de la loi française n° 65-557 du 10 juillet 1965 et qui n’avait pas connu de modifications majeures a fait l’objet d’une profonde refonte en 2018. Le législateur mauricien a retenu les services de juristes français spécialisés dans le droit de la copropriété pour la rédaction et la promulgation des nouveaux textes de loi (en langue française) nettement plus adaptés aux temps modernes.
Le résident fiscal mauricien, s’il ne remplit plus aucune condition pour être considéré comme résident fiscal en France, sera en principe exonéré des contributions sociales en France (CSG, CRDS, prélèvement de solidarité) sur les revenus mobiliers de source française.
L’île ne se cache pas d’avoir un régime fiscal attrayant. Ce n’est pas pour autant qu’elle est un paradis fiscal. D’ailleurs, Maurice est sur la liste blanche publiée par l’OCDE, qui comprend les États ou territoires qui ont mis en œuvre des standards internationaux en signant au moins 12 accords conformes à ces standards.
Outre les clauses d’assistances administratives et d’échanges d’informations figurant dans les traités de non-double imposition signés par Maurice (dont notamment la clause d’assistance administrative figurant dans la convention fiscale franco-mauricienne), l’île a signé et ratifié, avec plusieurs autres Etats, la « Convention concernant l’assistance administrative en matière fiscale », dite aussi « Convention OCDE/Conseil de l’Europe » de 1988 amendée en 2010 (The Income Tax (Convention on Mutual Administrative Assistance in Tax Matters) Regulations 2015). Cette convention multilatérale contient des clauses d’assistance notamment dans les domaines suivants :
– Échanges d’informations et de renseignements ;
– Contrôles fiscaux simultanés ;
– Recouvrement des créances fiscales ;

Le 5 juillet 2017, l’île Maurice a signé la Convention multilatérale pour la mise en œuvre des mesures relatives aux conventions fiscales pour prévenir l’érosion de la base d’imposition et le transfert de bénéfices.
D’ailleurs, comme le rappelle le journal Le Monde, la France ne considère pas Maurice comme un paradis fiscal. Selon les propos de l’ambassade de France à Maurice recueillis par le journal en 2018 :
« Pour Maurice, nous ne parlons pas de « paradis fiscal » mais d’une place attractive qui octroie des facilités fiscales à des pays avec lesquels elle a signé des traités de non-double imposition, précise Hugues Reydet, chef du service économique. L’Union européenne (UE) a d’ailleurs donné deux ans à Maurice pour ajuster certaines procédures de transparence et de contrôle. » (5)
De nombreux Français qui se sont expatriés à Maurice pour prendre leur retraite se sont finalement reconvertis en entrepreneurs / investisseurs et ont changé de statut de résidence. Plusieurs facteurs ont largement contribué à cela, dont notamment :
– La facilité de faire des affaires (par exemple, la constitution d’une société se fait en moins de 2 jours, l’ouverture d’un compte bancaire se fait rapidement, pas de limitation sur la détention des devises étrangères ou sur les transferts internationaux de fonds) ;
– La fiabilité de l’encadrement légal (les lois mauriciennes s’inspirent principalement des lois françaises et britanniques et sont relativement stables, le système judiciaire indépendant, reconnaissance des jugements étrangers), les contrats et tous les documents administratifs peuvent être obtenus en français et en anglais ;
– Une stabilité politique et sociale ;
– Un faible taux de criminalité ;
– Un système bancaire fiable et international et répondant au Common Reporting Standard ;
– Logistique sophistiquée ;
– Main d’œuvre qualifiée et bilingue (anglais-français) ;
– De faibles charges sociales ;
– Des cotisations patronales plafonnées à environ 60 € par salarié en cas de recrutement,
– Un salaire minimal fixé par la législation mauricienne (« The National Wage Consultative Council Act ») à environ 220 € par mois, mais le salaire moyen du personnel qualifié oscille entre 600 € et 1500 € ;
– Un accès à l’enseignement français, anglais ou bilingue de la maternelle aux études tertiaires (écoles et collèges/lycées français conventionnés avec l’Agence pour l’enseignement français à l’étranger dans les conditions du décret n° 90-588 du 6 juillet 1990, implantation de plusieurs institutions françaises d’études supérieures) ;
– L’existence d’établissements de santé conventionnés avec la Caisse des Français de l’Etranger (CFE) dans les conditions du Titre 6 du Livre 7 du Code de la sécurité sociale et pratiquant le « tiers-payant ».
Pour beaucoup de retraités, cette expatriation a été un second souffle alors qu’ils avaient dans un premier temps décidé de prendre définitivement leur retraite et fuir les enfers fiscaux où leurs entreprises sont asphyxiées par les lourdes charges sociales et obligations fiscales. Des milliers de permis de séjour longue-durée (« occupation permit » ou « residence permit ») sont chaque année ainsi délivrés par les autorités mauriciennes aux étrangers souhaitant résider dans l’île.
Toutefois, il est ici utile de préciser que tout projet d’expatriation doit être mûrement réfléchi et préparé. L’accompagnement par les professionnels du secteur est essentiel pour assurer tant la sécurité juridique du projet que l’optimisation des projets à entreprendre.

(1) Autriche, île de Barbade, Belgique, Botswana, Cap-Vert, Chine, République du Congo (Congo-Brazzaville), Croatie, Chypre, Egypte, France, Allemagne, Ghana, Ile de Guernesey, Inde, Italie, Ile de Jersey, Koweït, Lesotho, Luxembourg, Madagascar, Malaisie, Malte, Monaco, Mozambique, Namibie, Népal, Oman, Pakistan, Rwanda, Bengladesh, Sénégal, Seychelles, Singapour, Afrique du Sud, Sri Lanka, Qatar, Swaziland, Suède, Thaïlande, Tunisie, Uganda, Emirats arabes unis, Royaume Uni, Zimbabwe, Zambie.

(2) Gabon, Kenya, Maroc, Russie

(3) Algérie, Burkina Faso, Canada, Comores, République Tchèque, Grèce, Hong-Kong, Lésotho (nouvelle convention), Mali, Monténégro, Soudan, Portugal, Iran, Arabie Saoudite, Sénégal (nouvelle convention), Espagne, Saint-Christophe-et-Niévès, Tanzanie, Vietnam, Yémen, Zambie (nouvelle convention).
(4) https://www.lemauricien.com/article/rapport-de-statistics-mauritius-prevision-de-croissance-du-pib-maintenue-a-39-en-2018/
(5) Le Monde, article du 30 mai 2018 par Olivier Piot : https://www.lemonde.fr/afrique/article/2018/05/30/l-ile-maurice-a-la-frontiere-entre-optimisation-et-evasion-fiscale_5307007_3212.html
(6) https://www.diplomatie.gouv.fr/fr/conseils-aux-voyageurs/conseils-par-pays-destination/maurice/